J’avais pensé que ce samedi après midi serait un samedi comme les autres, tranquille et banal, d’autant plus quand arrivèrent dix-neuf heures. Manifestement je me trompais.

En me réveillant ce matin – aux alentours de neuf heures, pour un samedi je me trouvais à ce moment là totalement exceptionnel – je m’étais immédiatement souvenu que je devais faire une course pour ma mère avant midi. Si tôt dit, si tôt fait, il m’avait fallu moins d’une demi-heure pour me retrouver au volant de mon 4x4 en direction du centre ville.

Une fois les emplettes pour ma mère terminées, j’ai entrepris de les ramener à mon véhicule, avant de décider d’appeler Nathan, mon meilleur ami qui ne répondait jamais non à une de mes invitations – à moins que sa chipie de petite amie ne le retienne en otage, auquel cas je passais ensuite la semaine qui suivait à me moquer de lui en lui répétant que s’ils finissaient par se marier, ce serait sans aucun doute elle qui serait le chef de famille ; bref des taquineries de mecs, quoi. Heureusement pour moi, aujourd’hui était un jour où il était libre, il m’avait donc rejoint à peine un quart d’heure plus tard au centre commercial. Après un moment à regarder les devantures des boutiques, nous avons décidé qu’il était temps de s’arrêter pour manger un morceau – et oui, rien ne peut contredire l’appel de l’estomac.

Aux alentours de quatorze heures, je reçus un message d’Alicia sur mon portable, me disant que si j’étais en ville, je pouvais en profiter pour aller lui chercher sa veste au pressing avant de passer la voir chez elle pour prendre un café. J’avais lu le message à Nathan en riant, et nous avons ensuite passé quelques instants à débattre sur le fait qu’Alicia avait toujours été une sorte de leader dans notre petit groupe, que nous n’avions jamais réussi à lui dire non, et qu’il nous était rare de la contredire – essentiellement par peur de ses représailles taquines.

Nathan ayant des choses à faire – oui, enfin soyons clairs il m’abandonnait au profit d’April, le bougre – c’est seul que je me rendis au pressing pour récupérer la veste d’Alicia avant de me rendre chez elle. J’arrivais au domicile de mon amie aux alentours de quinze heures, et comme à notre habitude nous nous installions autour d’un café en parlant de choses et d’autres. J’avais commencé à lui raconter ce que Nathan et moi avions fait de notre journée, avant de repenser à ce qu’il s’était passé sous ses yeux, quelques jours plus tôt au Scar’s. En effet, elle avait été témoin de mes « retrouvailles » malheureuses avec June, mon ex petite amie que je n’avais – elle le savait pertinemment – jamais oubliée. Non, je ne m’en étais jamais remis, ni de notre séparation, ni du fait que ce soit la faute de mon égoïste de père, qui m’avait éloigné d’elle volontairement, ni du fait que j’étais parti comme un lâche. Je n’avais cessé de ressasser mes souvenirs et de souffrir tout au long de mon année passée à New York, et tout ça à cause de lui. Le temps que nous évoquions tout cela, je ne m’étais pas rendu compte qu’il était déjà dix-huit heures. Remerciant Alicia pour l’agréable après midi potins que nous avions passé – vous ne pouvez pas savoir à quel point Nathan et moi nous sentions faibles quand nous utilisions le mot « potins » – je pris congé et rejoignis mon 4x4.

Je ne savais pas quoi faire, après avoir quitté Alicia, mais je savais que je n’avais pas envie de rentrer chez moi tout de suite. Je bifurquai donc et pris la route de la plage la moins fréquentée de San Diego, ou j’aimais aller passer du temps à simplement regarder les vagues venir s’écraser sur le sable, et me perdre dans mes pensées. Je me garai sur le parking voisin, et attendais d’être sur le sable chauffé par le soleil pour retirer mes italiennes en cuir, et ainsi marcher pieds nus jusqu’à l’endroit où je me laissais tomber, avant d’entourer mes jambes pliées de mes bras, et de laisser mes yeux plissés scruter l’horizon, l’océan à perte de vue.

Jamais, jamais je n’aurais pensé que c’est cette voix que je connaissais bien qui m’interpellerait à ce moment là.